Marche rituelle

Cinq heures quarante du matin, la lumière du réveil me tire en douceur de mon sommeil paradoxal. Il fait frais, aucun bruit autour de moi. J’enfile mes vêtements en silence, attrape mon sac, mes clefs et mes chaussures, que je mettrai dans l’escalier pour ne réveiller personne dans la maisonnée.

La nuit froide et humide nous attend patiemment derrière la porte de l’immeuble. Les premières notes d’Amiina résonnent à peine dans mes oreilles que mon corps s’est déjà élancé. Le mouvement est fluide, les pieds ancrés dans le sol et la tête suspendue vers le ciel.

Nourri d’air frais et bercé par un rythme métronomique, mon esprit peut enfin s’abandonner au courant des pensées, des souvenirs et des idées qui l’assaillent. La marée est si forte qu’il est incapable de suivre les kilomètres parcourus. Et à quoi bon de toute façon, puisque l’itinéraire est toujours le même. Une route, une passerelle et un chantier avant de pénétrer dans cette vaste réserve naturelle.

Les yeux ont beau être habitués à cette luminosité, ils s’émerveillent toujours quand la lune auréole leur route d’une lueur argentée.

Autour de moi, nulle voiture, nul piéton, à peine quelques lapins qui détalent sur mon passage.

Dénué de toute distraction, des pensées remontent par vagues successives avant d’être traitées ou balayées. Et quand le fleuve se tarit, c’est la sélection musicale qui joue inlassablement qui réveille des souvenirs profondément enfouis, ou des idées très anciennes qui ne demandaient qu’à mûrir.

À peine commencée, cette marche me ramène déjà à mon doux foyer. Mon corps chante et mon esprit est déjà apaisé.

En attendant de reprendre notre transe, c’est à la préparation des enfants que je vais devoir m’atteler.

Il est sept heures, je suis prêt à tout affronter !